Encore une ronde… Je devrais penser à faire une pause de temps en temps, j’avais l’impression de passer mes soirées qu’à cela et sortir une fois me ferait le plus grand bien ! J’étais vêtue de ma tenue scolaire habituelle, je n’avais pas eue le temps de retourner à ma chambre me changer. Dans mon dos pendait ma lourde faux en rythme avec mes pas. Je jetais un coup d’œil à mes chaussures très banales qui au bout d’une journée à les porter commençaient à me m’étreindre les pieds. Chaque pas était une souffrance, j’étais accoutumée à porter des bottes avec une semelle d’au moins deux centimètres et mes chaussures actuelles à ras du sol étaient un vrai calvaire. Mais je faisais avec sachant que ce soir j’aurais encore des ampoules et des brûlures et évidemment personne dans ma chambre pour me réconforter.

Encore un petit tour… J’avais pratiquement fini d’inspecter le bâtiment principal et seul l’étage supérieur et le toit restaient à vérifier. Par pure folie, je décidais de m’arrêter prendre un thé avant de continuer. Je m’approchais de la salle où j’avais laissé mes affaires pour être plus libre pour la ronde et ouvrait ma petite glacière où reposait mon thé glacé. Me relevant, je bu une gorgée. La fraicheur de la boisson vint dégouliner dans mon corps. Un frisson me parcourut de la tête au pied, une sensation que j’acceptais et appréciais à chaque fois. Je laissais une goutte échappée de ma bouche couler sur mon menton avant de l’arrêter sagement avec mon index libre. Mon regard se porta dans le lointain que m’offrait en perspective la fenêtre de la pièce. De nombreux arbres avec un parc étaient visibles et quelques lampadaires éclairaient déjà les allées de ceux-ci.

Encore une ombre ailée… Quoi ?! Une ombre ailée venait de traverser mon champ de vision. Il était clair pour moi qu’un monstre venait de passer devant moi sous une forme interdite dans l’établissement. Ramassant ma faux que j’avais posée en entrant je courus vers l’endroit où cette créature semblait aller : le toit ! Mon thé faillit se renverser à plusieurs reprises tant je me déplaçais vite dans les couloirs. Droite, gauche, encore gauche et voilà, l’escalier pour le toit. J’ouvrais la porte avec mes dents et me précipitais, enjambant les marches deux par deux. L’escalier était sombre car non éclairé, je reconnus la porte de sortie à la légère lueur s’échappant en-dessous. Aussi vite que je venais d’ouvrir la porte, je la fis claquer pour signaler ma présence à celui qui vagabondait du regard les alentours. Il resta là, juste droit, les ailes repliées et ne me posa qu’une simple question. J’étais d’ors et déjà prête à me battre s’il le fallait et calmement je l’écoutais.

-Qui va là ?

C’était tout… Il n’avait rien de plus à me dire et ma présence ne paraissait pas l’inquiéter. Pourtant à une telle heure il aurait dû savoir à qui il ferait affaire s’il croisait quelqu’un. Une certaine pointe d’anxiété quant à l’identité de l’inconnu me fit couler une goutte de sueur le long du visage. Je pris soin de rester audible et claire même si une certaine distance nous séparait.

-Je m’appelle Riona Fujiwara et tu n’as rien à faire ici transformé ainsi ! Qui es-tu ?

Les jambes écartées, la faux en avant, je suivais du regard l’individu tournant autour de moi. Quand il termina son tour, il vint se placer devant moi. Une certaine quiétude se dégageait de lui alors qu’il s’inclinait en se présentant. Mes yeux s’écarquillèrent à la prononciation du mot « Guardian ». Ainsi donc, il en était un tout autant que moi. Et tout comme moi, il venait d’arriver dans ce lycée depuis peu. Le temps qu’il se redresse, je repris une posture plus décente pour une rencontre, posant ma faux raide comme un piquet sur le dessus de la lame. Elle resta droite alors que je la lâchais pour tendre ma main droite désormais libre à l’homme, nommé Fuyuko. Alors que j’attendais qu’il me la serre, je lui souris gentiment.

-Enchanté Fuyuko. Je suis aussi une Guardian fraichement arrivée.

L’ambiance sembla s’adoucir, ma tension disparut et mon calme parfaitement retrouvé, je me permettais même de boire une gorgée de mon thé encore tenu par ma main gauche qui en aucun cas ne l’aurait laissé tomber. Boire me rafraichit les idées, j’étais prête à repartir sur de bonnes bases avec le Guardian ici présent. Mais avant tout, je tenais à m’excuser pour la méprise quant à son sujet.

-J’étais en ronde quand je t’ai vu traverser le ciel en direction du toit. Pardon, je pensais que c’était des élèves qui venaient s’amuser le soir ou encore un combat impromptu. Le règlement interdit les transformations en nos formes originelles donc évite à l’avenir d’y avoir recours si tu n’y es pas obligé.

Même s’il était un Guardian, un petit rappel à l’ordre n’était pas de refus. Après tout, qu’on soit Guardian, du comité ou simple élève, nous étions tous soumis aux mêmes règles et en tant que Guardian, il était important de montrer l’exemple aux autres sinon comment eux pourraient-ils y obéir si les autorités supérieures dérogeaient aux règles impunément ? J’avoue que parfois, l’utilisation d’une capacité par-ci par-là sans être vu est agréable mais il vaut mieux éviter. En tant que Ombre, je savais sûrement mieux que les autres ce qu’était d’utiliser ses pouvoirs à bon escient, puisque ce n’était que les seuls occasions auparavant où j’avais le plaisir de les montrer pour les garder secrets le reste du temps. Evidemment, je ne comptais pas le nombre de fois où j’avais pris les postures d’intimidation avec mes crocs et mes griffes qui pour moi ne servaient que de camouflage à ma véritable identité.

-Au fait, tu ne portes pas l’uniforme de l’école ?

Je venais de remarquer sa tenue non conforme à celle portée dans l’enceinte de l’établissement. De ce que j’avais compris mais là, rien n’était sûr, il fallait garder l’uniforme dans l’école hors lui se promenait en tenue civile. S’il me confirmait qu’une telle tenue était correcte et acceptée alors peut-être que je pourrais ranger cette affreux vêtement que je portais pour mettre quelque chose de plus à mon goût, plus personnel. Comme toujours, le manque de personnalité me gênait et je préférais arborer les couloirs de la bâtisse avec des habits me convenant autant en couleur qu’en style.

Ainsi donc ce jeune homme n’appartenait pas à mon lycée… Sa présence au sein des Guardians m’intriguait, je n’avais pas eu vent de la possibilité d’en avoir ne suivant pas les cours. Néanmoins, la réponse qu’il apportait à côté soulignait le fait que je ne pourrais probablement pas me changer pour les prochains jours. Qu’importe ! Lui, il gardait bien sa forme originelle, je pouvais donc moi aussi faire une petite entorse à la règle en m’habillant tel que je le souhaitais. D’ailleurs j’appliquerais cette nouvelle résolution dès demain ! Me retournant brusquement, mes longs cheveux roux s’envolant gracieusement l’espace d’une seconde, je récupérais ma faux qui n’avait pas bougée d’un iota depuis l’instant précédent où je l’avais posé et la rangeais dans mon dos. D’un petit mouvement de tête, j’invitais l’autre Guardian à venir s’asseoir avec moi sur le rebord du toit. Lorsque je m’y posai, ma faux provoqua un son roque en se cognant. Quelle idée de l’avoir déposée dans mon dos… Je l’allongeais derrière moi, sachant que vu son poids, elle ne risquerait pas de tomber par mégarde. Une légère brise vint souffler dans mes cheveux. La soirée avançait et le vent commençait à venir, sans trop être présent. Sur ce toit, à cet instant précis, j’avais l’impression que toutes mes pensées s’étaient envolées. Quelques étoiles s’éclairaient dans le ciel à peine nuageux, mon regard s’y perdait avant de revenir au jeune homme.

-Dis-moi, si tu n’es pas de ce lycée, alors d’où viens-tu si ce n’est pas indiscret ?

Mes mains étaient posées sur un peu en arrière de mon corps pour me permettre d’avoir une bonne vue sur le ciel et l’autre Guardian. Je balançais mes genoux d’un côté et de l’autre comme si j’attendais une réponse rapide alors qu’il n’en était rien, c’était juste ma manière de patienter. Pour éviter ce mouvement, je rassemblais mes jambes avant de les croiser en les allongeant. Le froid de la nuit se leva lentement mais sûrement, il ne faudrait pas tarder à rentrer mais rester encore quelques minutes ici serait agréable. Le soleil couché, il était temps à la lune de faire sa fière apparition dans ce ciel étoilé. Dans ce paysage, les ailes de l’homme semblaient rayonner, la tension précédente était désormais totalement disparue. Ma ronde s’était stoppée court, je souhaitais maintenant en connaitre plus de ce nouveau collègue inconnu. Il était vrai qu’ici, je n’avais pas encore d’amis, peut-être que commencer à discuter avec ceux de mon rang serait un bon début.

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